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roi, recula brusquement, et porta son cheval contre un pilier du manége, avec tant de violence, que la secousse le fit chanceler. On courut à lui, et on le crut considérablement blessé. Madame de Clèves le crut encore plus blessé que les autres. L’intérêt qu’elle y prenait lui donna une appréhension et un trouble qu’elle ne songea pas à cacher ; elle s’approcha de lui avec les reines, et avec un visage si changé, qu’un homme moins intéressé que le chevalier de Guise s’en fût aperçu : aussi le remarqua-t-il aisément, et il eut bien plus d’attention à l’état où était madame de Clèves, qu’à celui où était M. de Nemours. Le coup que ce prince s’était donné lui causa un si grand éblouissement qu’il demeura quelque temps la tête penchée sur ceux qui le soutenaient. Quand il la releva, il vit d’abord madame de Clèves ; il connut, sur son visage, la pitié qu’elle avait de lui, et il la regarda d’une sorte qui pût lui faire juger combien il en était touché. Il fit ensuite des remercîments aux reines de la bonté qu’elles lui témoignaient, et des excuses de l’état où il avait été devant elles. Le roi lui ordonna de s’aller reposer.

Madame de Clèves, après s’être remise de la frayeur qu’elle avait eue, fit bientôt réflexion aux marques qu’elle en avait données. Le chevalier de Guise ne la laissa pas long-temps dans l’espérance que personne ne s’en serait aperçu. Il lui donna la main pour la conduire hors de la lice : Je suis plus à plaindre que M. de Nemours, madame, lui dit-il ; pardonnez-moi, si je sors de ce profond respect que j’ai toujours eu pour vous, et si je vous fais paraître la vive douleur