Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/298

Cette page n’a pas encore été corrigée

un crime à un autre est pardonnable à un homme qui a l'honneur d'être allié des princes Zuléma et Osmin. Touché du désir de voir ce qu'il y a de plus beau dans la Grèce, j'ai cru ne pouvoir mieux satisfaire ma curiosité qu'en commençant par l'île de Chypre, et mon bonheur me fait trouver en y arrivant ce que j'aurais cherché en vain dans toutes les autres parties du monde.

En disant ces paroles, il attachait ses regards tantôt sur Zayde et tantôt sur moi, mais avec tant de marques d'une véritable admiration, que nous ne pouvions quasi douter qu'il ne pensât ce qu'il venait de nous dire. Je ne sais si j'étais prévenue ou si la solitude où nous vivions servit à me rendre cette aventure plus agréable, mais j'avoue que je n'ai rien vu de si surprenant. Alasinthe et Bélénie, qui étaient assez éloignées, s'avancèrent vers nous et envoyèrent en même temps demander le nom de celui qui venait d'arriver. Elles surent que c'était Alamir, prince de Tharse, fils de cet Alamir qui prenait la qualité de calife et dont la puissance était si redoutable aux chrétiens. Elles savaient l'alliance, qui était entre ce prince et Zuléma, de sorte que, le respect qui lui était dû par sa naissance se joignant à la curiosité d'apprendre de leurs nouvelles, elles le reçurent avec moins de répugnance qu'elles n'en avaient d'ordinaire pour les Arabes. Alamir augmente par ses paroles la disposition qu'elles avaient à le recevoir favorablement, il leur parla de Zuléma et d'Osmin, qu'il avait vus il n'y avait pas longtemps, et il les blâma d'être capables d'abandonner deux personnes si dignes de les