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je vois que le dérèglement de votre esprit est sans remède et que, lorsque vous ne trouvez point de sujets de vous tourmenter, vous vous en faites sur des choses qui n'ont jamais été et sur d'autres qui ne seront jamais, je suis contrainte pour votre repos et pour le mien de vous apprendre que je suis absolument résolue de rompre avec vous et de ne vous point épouser. Je vous dis encore dans ce moment, qui sera le dernier que nous aurons de conversation particulière, que je n'ai jamais eu d'inclination pour personne que pour vous et que vous seul étiez capable de me donner de la passion. Mais puisque vous m'avez confirmée dans l'opinion que j'avais, qu'on ne peut être heureux en aimant quelqu'un, vous, que j'ai trouvé le seul homme digne d'être aimé, soyez persuadé que je n'aimerai personne et que les impressions que vous avez faites dans mon coeur, sont les seules qu'il avait reçues et les seules qu'il recevra jamais. Je ne veux pas même que vous puissiez penser que j'aie trop d'amitié pour don Manrique ; je n'ai refusé de changer de conduite avec lui que pour voir si la raison ne vous reviendrait point, et pour me donner lieu de me redonner à vous si j'eusse connu que votre esprit eût été capable de se guérir. Je n'ai pas été assez heureuse ; c'était la seule raison qui m'a empêchée de vous satisfaire. Cette raison est cessée, je vous sacrifie don Manrique, je viens de le prier de ne me voir jamais. Je vous demande pardon de lui avoir découvert votre jalousie, mais je ne pouvais faire autrement et notre rupture la lui aurait toujours apprise. Mon père arriva hier au soir, je lui ai dit ma résolution, il est allé, à