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Kerpen que je voyais souvent à Coblentz. Je lui dis tout mon embarras ; elle chercha de son côté à me procurer le moyen de me rendre à Ratisbonne. Elle ne put trouver que celui de prendre place dans un chariot qui appartenait à une famille de marchands de Bruxelles. Le désir de ne pas tomber au pouvoir des Français me fit accepter cette pauvre ressource. Je fis mon marché. L’on me demanda assez cher, il fallut en passer par là. Ma santé n’était pas encore bonne ; j’eus à souffrir dans cette voiture. De plus cette famille mettait une grande économie dans leur manière de vivre. Le soir, en arrivant, elles allaient dans toutes les auberges de l’endroit et ne descendaient de leur voiture que lorsqu’elles avaient fait leur marché. À la première fois, il fut convenu que l’on donnerait douze sols par tête. On se mit à table. À l’arrivée du potage, qui était tout bonnement du pain trempé dans de l’eau chaude, je ne pus en manger, mais il fut dévoré par les autres. Je demandai quelque autre chose, on ne voulut me rien donner. Je crois que ce n’était pas par mauvaise volonté, il n’y avait rien dans l’auberge. Je fus six jours en route, souffrant de la faim et des cahots dans ce rude chariot. On nous prenait pour des vivandières de l’armée qu’on savait qui