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maisons du village et m’en procura un avec bien de la peine et en le payant fort cher. Ce n’était pas tout : il fallait faire souper tout notre monde. Mes enfants criaient à la faim. Il n’y avait rien, absolument rien que du gros pain bien noir, bien mal cuit. Il se trouva enfin du café, et ayant fait acheter du lait, il fallut bien se contenter de cette ressource. Pour moi, couchée sur mon grabat, j’attendais avec patience un chirurgien que mon mari avait envoyé chercher. Il était douteux qu’il puisse venir, vu l’effroyable temps qu’il faisait. Enfin il vint à pied, n’ayant pu risquer de venir à cheval. Il nous dit qu’il avait refusé d’aller dans la journée où il avait été appelé, à cause du temps et du danger qu’il y avait à mettre le pied dehors, mais, lorsqu’on lui avait dit que c’était pour une dame française, qu’il n’avait pas balancé, qu’avant la Révolution il était attaché à un régiment français comme chirurgien-major et qu’il s’était retiré, ne pouvant plus servir dans un pays aussi bouleversé. Après lui avoir fait prendre la seule chose que nous pouvions lui offrir (c’était du café), il examina les résultats de ma chute. Le choc avait été si fort que l’os s’était absolument déboîté. Après un peu de peine, il parvint à rétablir tout à sa place. Il resta une partie de la nuit auprès de moi, et de grand