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sûre de l’avoir vu. – Vous ne partirez pas d’ici, Madame, que vous n’ayiez vos papiers… Où allez-vous ? – À Bruxelles. » Je vis alors qu’il y avait nécessité de tromper cet homme, et j’ajoutai : « Je suis la veuve d’un négociant de Nantes ; les affaires de sa succession me forcent de me rendre promptement dans cette ville pour me concerter avec les correspondants de feu mon mari, et ce serait me porter un grave préjudice que d’arrêter ma marche. » (Comme j’étais en grand deuil de mon père, ce conte avait une apparence de vérité ; mais il resta inflexible.) Lui seul parlait. Enfin un jeune homme, d’une figure douce et intéressante, prit ma défense. Il eut le courage de parler pour moi, et y mit tant de chaleur qu’après une longue discussion le Maire dit avec colère : « Vous le voulez, Monsieur ; eh bien, je vais la laisser passer, mais vous répondrez des événements, et je vais le consigner dans le procès-verbal. – Je me charge de tout, répondit le jeune homme. » Mon passeport me fut donné sous le nom de veuve Prevost. J’avoue que j’eus un moment, une vive inquiétude. Si je n’avais pas trouvé un si bon avocat, comment m’en serais-je tirée, si j’avais été obligée de rester à Condé jusqu’à l’arrivée de mes papiers, et d’après mon conte, il aurait fallu