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FANES


Indolence



La douceur de dormir à deux dans la demeure
Pleine de lune pâle et de tremblantes palmes
Est suave surtout lorsqu’en les blêmes balmes
Du mystère nocturne un rêve noir s’épeure :

Ô délice de voir s’enfuir le sombre leurre
Sous la crypte de mort et d’oubli des ciels calmes…
Ô bonheur de sentir l’haleine des lys almes
Du paradis parler aux âmes qu’elle effleure…

La chambre est un jardin de frissonnante flore,
Un Eden où le vol musical du silence
Vibre comme une voix défunte de mandore

Et caresse en passant nos songes que balance
Loin du midi brutal ou de l’ardente aurore
Le souffle vague et frais de notre nonchalance.


EDMOND FAZY.




LE JEUNE PRÊTRE



Sous les calmes cyprès du jardin clérical,
Va le jeune homme noir aux yeux lents et magiques.
Lassé de l’exégèse et des mots liturgiques
Il savoure le bleu repos Dominical.

L’air est plein de parfums et de cloches sonnantes !…
Mais le Séminariste évoque dans son cœur
Oublieux du latin murmuré dans le Chœur
Un Rêve de bataille et d’armes frissonnantes…

… Et, se dressent ses mains faites pour l’ostensoir
Cherchant un glaive lourd ! Car il lui semble voir
Au couchant ruisseler le sang doré des Anges !

Là haut ! Il veut nageant dans le Ciel clair et vert
Parmi les Séraphins bardés de feux étranges,
Sonnant du cor, choquer le fer contre l’Enfer !


PAUL VALÉRY.

14 Juillet.