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VI.

Deuil blanc de l’aube après le sourire des nuits
Qui s’éplore, brume égarée au vent ; et puis
Le soleil qui va me retrouver les mains jointes.


L’ange est parti maintenant il regrette
Puis se redresse à l’orgueil d’une feinte victoire.


Je sais bien que la nuit en eût été plus belle
Plus bleue aussi la clarté céleste et plus telle
Que mon rêve déçu l’objectait vaguement
Pour occuper mon âme inquiète au moment
D’être seule et tremblant de son inquiétude.
C’est fini. Reprenez votre grave attitude
Yeux éteints et bras retombés pour relier
Les mains prises encore au geste de prière,
Et… va-t-en, fleur menteuse ! évade-toi, chimère !
Je suis seul ! Je suis seul ! Et je m’en vais prier.


André Gide.




TRISTESSE



Espérance, va t’en ! fuis, vain nuage rose
Qui crèves dès qu’un vent dans le ciel a passé.
Arrière ! ô souvenirs, mon âme vous est close :
A quoi bon m’attendrir sur un rêve effacé ?

Vierge pâle aux yeux d’or en ma tristesse éclose,
Ouvre tes bras d’ivoire à ton amant lassé.
Que sur mon front brûlant ta main froide se pose
Et dormons sur des fleurs dans l’oubli du passé.

Viens ! dans un marbre dur j’ai creusé notre couche.
Lorsque j’aurai rivé mes lèvres à ta bouche
O Mort ! nul ne pourra troubler notre sommeil.

Vierge pâle aux yeux d’or, maîtresse caressée,
Viens me donner enfin le repos sans réveil :
La place est toute à toi, j’ai tué ma pensée !


Eugène Hollande.