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IMPRESSION



Le lac s’endort sous ses voiles de lichen vert,
Sous les roseaux berceurs où frissonne une houle…
Et, dominant les arbrisseaux plaintive foule,
S’érigent les vieux pins sous leur chape d’hiver.

Et sur ces choses, plane un long suaire de brume.
Dénouant ses vapeurs aux pointes des gazons…
Et les calmes lueurs dont l’espace s’allume
Nimbent de violet les molles frondaisons.

L’ombre du peuplier croit sur la route grise ;
Le pommier neige à flocons roses sur le champ ;
Et se noie aux clartés câlines du couchant
L’envol des cygnes blancs qui vibre dans la brise.

Flot de sommeil berceur sur mon âme versé,
De pénombre appalie où mon rêve circule ;
Vol de rythmes chanteurs à mon cerveau lassé…
Raisonner ! C’est plein jour. — Songer ! C’est crépuscule.


EMILE WATYN.




SONNET



Vous avez murmuré, votre main dans ma main,
Une phrase d’adieu très lente et très banale.
Je n’ai pas dit comme autrefois : Donc, à demain.
Je n’ai pas prononcé de parole brutale.

Car je hais la douleur bruyante et qui s’étale.
Vous en ririez, avec vos airs d’enfant gamin.
Comme ils sont loin avec leurs senteurs de jasmin
Les jardins enchantés où j’aurai fait escale.

Vous ne murmuriez pas des paroles d’adieu
Ces jours où, détournant de ma bouche vos yeux,
Vous emplissiez mon cœur d’une extase rapide…

Et les moments si doux, hélas ! vite écoulés,
Où lasse après l’aveu de votre amour timide
Vous suiviez dans l’air bleu vos rêves envolés.


LÉON BLUM.