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Toute païenne et souriante draperie
Sous l’or clair des fenêtres aux jolis losanges,
Avec des tons verts et sanglants d’orfèvrerie,
Et la bordure de licornes très étranges.

Toute païenne, et douce, et noble la déesse
Faite de roses et gaîment rose elle-même,
Adorable monceau de fleurs dont se parsème
L’étoffe lourde qui chatoie et qui caresse.

Et c’étaient, sous les plafonds de hautes ténèbres,
Des ors d’astres ciselés au sein de nuits calmes,
Des éclairs de casques et de glaives célèbres,
Et des crédences, et des floraisons de palmes,

Et des aigles écartelant d’armoriales
Ailes de nuit aux pourpres des blasons antiques
C’étaient — parmi l’essor des arceaux héraldiques
S’exaltant vers le ciel d’ogives triomphales.

Et silences ! Mais les exquisités insignes
— En ce décor de moyen-âge — de ces roses
Que semait, en l’envol nacré d’ailes de cygnes,
La Cypris nue en la douceur des satins roses !


CAMILLE MAUCLAIR.




LES VAINES DANSEUSES



Celles qui sont des fleurs légères sont venues,
Figurines d’or, et beautés toutes menues
Où s’irise une faible lune… Et les voici
Mélodieuses fuir dans le bois éclairci.
De mauves et d’iris et de nocturnes roses
Sont les grâces de nuit sous leurs danses écloses
Qui de parfums voilés amusent leurs doigts d’or.
Mais l’azur doux s’effeuille en le bocage mort,
Et de l’eau mince luit à peine, reposée
Comme un pâle trésor d’une antique rosée
D’où le silence en fleur monte… Encor les voici
Mélodieuses fuir sous le bois éclairci,
Aux calices aimés leurs mains sont gracieuses ;
Un peu de lune dort sur leurs lèvres pieuses,
Et leurs bras merveilleux aux gestes endormis
Aiment à dénouer sous les myrtes amis
Leurs liens fauves et leur caresse… Et certaines
Moins captives du rhytme et harpes lointaines,
S’en vont d’un des subtil au lac enseveli
Boire des lis l’eau frêle où dort le pur oubli.


PAUL VALÉRY.