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III.


Des pâtres, qui chantaient les pâles indolences,
Ont frissonné d’horreur aux premières étoiles
Les marchands accourus pour étaler des toiles,
En fuyant, ont brisé leurs poids et leurs balances

Et les chefs, qui trainaient le bronze de leur glaive
Dans l’ombre droite et sereine des chapitaux.
Ont frémi, tant la dalle éprise d’un vieux rêve
Dormait, indifférente à tous grossiers échos.



Or, pareil aux camps sans rois, aux temples sans cultes, t
Aux tours vierges, comme le marbre inhabité,
Blancs degrés, dôme clair au dessus des insultes,
Siégeait inaltérabla en sa viduité,

La rage a sonné l’alarme De la Cité
Belliqueuse et des bois, guerriers au geste brusque
Doux pasteurs, au parler mystérieux,
Peseurs d’or, plèbe prompte à ses Dieux,

Pélerins méconnus que le silence offusque,
Gravirent furieux la crête du rocher.
Leur main rude, arrachant la ronce et la lambrusque,
joignit l’yeuse au frêne en tragique bûcher :

Et voila, quand l’Azur palpitait surla flamme,
Que, las de secouer les torches, oublieux
D’épier, dans l’éclair bleu, la fuite de l’Ame,
Devant le meurtre inepte ils ont fermé les yeux



Un informe débris fume sous !a bruine,
Où se dressait le trône et le plafond du cèdre.
Le crépuscule pleure et chuchotte aux ruines
Le mystère défunt dont la Mort tient la clé

Car la haine, qui veut son œuvre sans remède
S’acharne vainement aux dalles de l’exhèdre
Nul regard^ en fouillant l’autel enviolé,

Sous le frémissement de la cendre encor tiède
Ne voit saigner le cœur d’un Phénix envolé.


Michel Derosne.