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« Ici le jet d’eau sanglote étrangement et meurt. »



Le mouvement lascif et brusque des lianes
Dans la forêt sonore, où l’eau vive bruit,
Effarouche l’oiseau mobile qui s’enfuit.
Oh ! Maleine, est-ce vous, ou bien est-ce Uglyane ?

Il est tombé soudain, lorsque la lune a lui,
Le long jet d’eau qui sanglotait dans la clairière.
Son cri d’adieu, qui traversa notre prière,
L’entendez-vous parmi les souffles de la nuit ?

Je l’entends. Les hiboux pleurent. La lune pleure.
Comme ils glissent, ses sanglots gris, sur le gazon.
Donnez la main. Mais vous pleurez. Pleurez. C’est bon
De pleurer, dans la nuit triste qui nous effleure.

Pleurez. Sur les rameaux des lourds marronniers roux
Pleurent de longs regrets de lumière indécise.
Pleurez. Ne dites rien ; mais pleurez. L’herbe est grise.
Maleine, Ce n’est pas Uglyane, C’est vous.


LÉON BLUM.




SONNET



Lattente, ce soir d’or de quelque vert fantôme
Émergé ruisselant de l’eau triste des glaces
Exagère le vol imprévu de l’atome
Aux factices soleils des bougeoirs, et si lasses

Nos âmes, que voici s’instaurer en des grâces
Des squelettes fardés de la poudre d’un tome
Tout un cortège de bouffons aux cent grimaces
Souillant la nuit de son carnaval polychrome,

Le livre sacrilège avec l’ennui tua
L’Hérodiade ou le Narcisse qu’espéra
Notre attente qui s’épouvante et qui désire :

Et s’exalte sur la déroute en ton espoir,
Cœur lâche épris de quelque héroïque délire,
L’or muet de la glace mette dans ce soir.


CAMILLE MAUCLAIR.