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introduction, § x.

plutôt que réfléchie de la mise en scène. Il n’y a de narration, comme en un prologue, que juste ce qu’il faut pour faire connaître le lieu et les circonstances principales de l’action ; l’exposition est faite par celui des acteurs du drame qui se trouve être le premier à prendre la parole. Celui-là, c’est le comte de Foix, l’un des hommes sur qui se concentrent les plus vives sympathies du poète. Son discours, empreint d’une respectueuse déférence pour le pape, de qui les seigneurs du Midi attendent justice, plein d’une indignation mal contenue contre Simon de Montfort et la croisade, est admirablement calculé pour nous faire comprendre le point de vue où se plaçaient les persécutés, et leur position par rapport à l’Église.

La discussion qui suit est passionnée au plus haut degré : il n’y manque même pas le coup de théâtre, lorsque l’auteur, supposant que les blessés et les estropiés de la croisade sont venus porter leurs plaintes jusqu’à Rome, fait dire à l’évêque Folquet : « Là, dehors à la porte, quelle douleur, quel cri, des aveugles, des bannis, des mutilés qui ne peuvent plus marcher sans guide ! Celui qui les a tués, mutilés, estropiés, ne doit plus tenir terre ! »

L’intérêt du lecteur, on pourrait presque dire du spectateur, se porte dès le début de la scène sur la décision du pape : rendra-t-il au comte de Foix son château, au comte de Toulouse son comté ; réservera-t-il les droits du jeune vicomte de Béziers ? Là est le nœud de l’action, que le poète a su habilement dénouer en maintenant jusqu’au bout le pape dans un rôle qui lui assure le respect, sans cependant violer la vérité historique. Le pape décide, la main forcée par son entourage, en faveur de Simon de Montfort, mais il réserve au fils du comte de Toulouse une part d’héritage qui sera comme un point d’appui pour reconquérir le reste.