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introduction, § x.

que dans l’entourage du comte de Toulouse, où notre poète avait ses relations, on ne se fit pas faute de rejeter la responsabilité du désastre sur les déplorables dispositions du roi d’Aragon. Notre poète, sans avoir, selon toute apparence, assisté à la bataille, s’est fait l’écho de récriminations, certainement fondées, qu’il avait sans doute bien souvent entendu reproduire.

Des suites de la bataille notre poète est encore plus mal informé que de la bataille elle-même. Pour la période comprise entre le 13 septembre 1213, lendemain de la bataille de Muret, et le mois de novembre 1215, époque où se réunit le concile qui consacra la spoliation de Raimon VI, il y a 68 vers[1] ; c’est dire que la plupart des événements de ces deux années sont passés sous silence. Rien par exemple sur la chevauchée de Simon dans le comté de Foix, où, selon le témoignage de Pierre de Vaux-Cernai, tout ce qui n’était pas protégé par des remparts fut incendié[2]. Rien non plus sur l’exécution de Baudouin, à laquelle le comte de Foix et son fils, au rapport du panégyriste de Simon[3], prirent une part active. Assurément l’auteur n’était pas avec eux.

C’est à partir du concile de Latran que le récit prend tout d’un coup de l’ampleur, et revêt cette forme dramatique qui est l’aspect sous lequel l’auteur voyait les événements. Comme l’a dit Fauriel, l’épisode du concile « n’est au fond qu’un petit drame dont les scènes diverses sont à peine séparées par quelques vers de pure narration ». Tout en effet dans ce morceau a les allures du drame : les personnages se présentent en pleine vue, avec des caractères puissamment tracés, que met en relief l’habileté instinctive

  1. Les tirades 141 et 142, vv. 3093-3160.
  2. Fin du ch. LXXIV.
  3. Fin du ch. LXXV