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introduction, § ix.

retentissement, et y fit éclater une joie, un enthousiasme que notre auteur dépeint trop vivement pour ne les avoir pas ressentis lui-même au plus haut degré. Rien de plus naturel, ce me semble, que de supposer que c’est sous l’impression de ce grand événement qu’il a pris la plume. De la mort de Simon au siège de Toulouse par Louis, fils du roi de France, il y a près de douze mois. On ne s’étonnera pas que cet espace ait suffi, et au delà, à notre poète pour composer environ 7000 vers, si on fait attention qu’il n’a pas dû perdre son temps à recueillir des renseignements. En effet, il peint avec de tels détails que presque partout on sent qu’il a dû voir ce qu’il raconte, et au contraire certains événements importants — ceux apparemment auxquels il n’avait pas assisté — sont entièrement passés sous silence. Enfin ce n’est pas non plus sa rédaction, incorrecte et négligée, rencontrant de temps à autre les grands effets par instinct, sans les avoir préparés, qui a dû lui coûter beaucoup de temps.

Les tendances de notre poète anonyme sont tellement claires et si fortement accentuées, que nous n’avons pas besoin, pour être en état d’apprécier sa valeur en tant qu’historien, de savoir pour qui il a composé, quel a été son protecteur. Qu’il ait dû être en très bons termes avec les principaux adversaires de la croisade, on le voit de reste. Mais il serait pourtant utile pour l’histoire littéraire de savoir s’il était plus particulièrement attaché à l’un d’entre eux, comme c’était le cas de tant de troubadours et de trouvères. Malheureusement, ici encore, comme pour son nom et pour son origine, nous sommes loin d’être bien renseignés. Il y a un vers (7133) où, parlant de Rogier Bernart, fils du comte de Foix, notre auteur s’exprime