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introduction, § viii.

me semble, trouver dans le texte même du poème la trace de cette façon de composer. Si je ne me trompe, l’auteur, ayant commencé son récit au commencement de l’année 1210, le conduisit tout d’une traite jusqu’au milieu de l’année même où il écrivait. Alors il fit une pause, ayant écrit un peu plus d’un millier de vers, et en dernier lieu raconté l’entrée dans Toulouse de l’abbé de Cîteaux et de l’évêque Folquet, comme aussi leurs efforts pour combattre l’hérésie par la prédication. « Ils verront, » dit-il, parlant de ceux qui pactisaient avec les hérétiques, ou du moins les toléraient parmi eux, « ils verront un jour quel conseil leur ont donné ceux que Dieu puisse maudire ! Pour cela tout sera détruit et la terre dévastée, et par la gent étrangère désolée et ravagée ; car les Français et les Lombards et tout le monde leur court sus et leur porte haine plus qu’à gent sarrazine[1]. »

Le siège de Minerve venait probablement de commencer. Guillem dut en attendre la fin (derniers jours de juillet 1210) avant de reprendre la plume. Il est probable qu’il écrivit la suite de son récit en plusieurs fois, non tout d’une traite, mais les points d’arrêt ne se laissent pas facilement reconnaître. Il parvint ainsi jusqu’au moment où, vers le commencement de l’année 1213, le roi d’Aragon se déclara ouvertement pour le comte de Toulouse, contre la croisade. Il s’arrêta et attendit les graves événements qui se préparaient. Ses dernières paroles sont celles-ci :

Le roi Pierre d’Aragon donna une de ses sœurs au comte de Toulouse, et puis en maria une autre au fils de celui-ci, en dépit des croisés. Voici qu’il s’est mis en guerre : il dit qu’il viendra avec bien mille chevaliers qu’il a tous soudoyés ; et s’il rencontre des croisés, il les combattra. Et nous, si nous vivons assez, nous

  1. Fin de la tirade XLVII.