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croisade contre les albigeois.

la crainte, si nous ne quittons le siége, nous sommes fous. — [8645] Seigneurs, » dit Amauri [de Montfort], « ayez égard à ma position : vous m’avez fait comte tout nouvellement, et si je quitte le siége d’une façon aussi honteuse, l’Église y perdra et je serai annihilé ; et par le pays on dira que je me suis rendu tout vif [8650] et que la mort de mon père m’est sortie de l’esprit. — Amauri, » dit Alain, « votre savoir vous fait défaut. Pour tous vos barons, il est évident que plus vous tiendrez le siége et plus vous accroîtrez votre honte. Et vous pouvez bien connaître que celui qui est vaincu vainc, [8655] car jamais on n’a vu une ville gagner alors qu’elle perd, et chaque jour ils font des dépenses de blé, de froment, de viande, de bois, ce qui les maintient dispos et d’attaque, tandis que de notre côté croissent le dépit, le péril, le tourment. Et je ne crois pas que vous soyez assez riche [8660] pour pouvoir tenir le siége et rester longtemps ici. — Seigneurs, » dit l’évêque[1], « je suis si affligé que de ma vie je ne pourrai recouvrer la joie. » Et le cardinal répond avec colère et dépit : « Seigneurs, levons le siége, et je vous promets bien [8665] que par le monde entier ira la prédication, si bien qu’à la Pentecôte, viendra, je vous le dis en vérité, le fils du roi de France ; et nous aurons tant de monde que les fruits et les feuilles, les herbes qui poussent[2] et l’eau de la Garonne leur paraîtra du piment. [8670] Nous détruirons la ville, et ses

  1. De Toulouse.
  2. Lacune, voy. la note du v. 8669.