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croisade contre les albigeois.

Mais bien vite ils se remettent, s’élancent au dehors entre les jardins et les vergers, et sergents et dardiers occupent la place. [8430] De menues flèches, de carreaux doubles, de pierres rondes, de grands coups portés sans relâche (?), la fureur est telle des deux côtés, qu’il semble que ce soit vent, pluie ou torrent. Mais du parapet de gauche un archer tire [8435] et frappe le comte Gui sur le chef du destrier : le carreau s’enfonce dans la cervelle [du cheval] ; et au moment où le cheval tourne, un autre arbalétrier lui décoche en flanc d’une arbalète à tour, et frappe Gui de telle sorte au côté gauche, [8440] que dans la chair nue est resté l’acier, et que le côté et les braies sont rouges de sang. Le comte [Simon] vient à son frère qui lui était cher, descend à terre et prononce des paroles impies : « Beau frère, » dit-il, « [8445] Dieu a pris en haine mes compagnons et moi et protége les routiers : pour cette blessure je me ferai hospitalier[1]. » Tandis que Gui parle et gémit, il y a dans la ville une pierrière que fit un charpentier : la pierre est lancée du haut de Saint-Sernin, [8450] et c’étaient des dames, des femmes mariées, des jeunes filles qui servaient l’engin. Et la pierre vint tout droit là où il fallait, et frappa si juste le comte sur le heaume d’acier qu’elle lui mit en morceaux les yeux, la cervelle, les dents, le front, la mâchoire ; [8455] et le comte tomba à terre mort, sanglant et noir[2]. Gaucelin et Rainier

  1. Moine hospitalier, non pas frère de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem.
  2. Le récit de la mort de Simon est orné de circonstances légendaires dans P. de V.-C. (Bouq. 142 d e) : « Dum staret