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croisade contre les albigeois.

assiégée de toutes parts, et nos chrétiens la tenaient bloquée. Au bout de peu de temps le vin et le blé manquèrent aux assiégés. Et le roi Saladin, qui était fort tenace, [8255] bloquait par dehors les barons du siége. Ce fut le plaisir du saint Roi en qui s’accomplit la Trinité que le roi de France, le premier des princes couronnés[1], apporta des vivres pour rétablir l’abondance et arriva heureusement au siége d’Acre. [8260] Par toutes les tentes l’allégresse est telle qu’on y allume force chandelles et cierges ; et sur mer et sur terre la clarté est si grande que Saladin demande à ses interprètes pourquoi l’ost des chrétiens est dans l’allégresse. [8265] Et ils lui répondirent : Sire roi, en vérité, c’est parce que le puissant roi de France est entré au siége. Là-dessus Saladin a gagné de vive force tant de terrain qu’il s’est logé à moins de trois lieues[2] des chrétiens. Peu de temps après, nouveau bonheur, [8270] lorsque le roi d’Angleterre, plein d’allégresse, arriva heureusement au siége d’Acre ; et par tout le camp la joie redouble. Alors le roi Saladin s’est tellement approché qu’il s’est établi à un trait d’arbalète, [8275] à ce point que les sentinelles[3] en-

  1. On sait que c’était une idée généralement admise au moyen-âge que le roi de France était le plus grand, le plus noble des rois de la chrétienté ; voy. les textes rassemblés par Du Cange dans sa dissertation XXVII sur Joinville : De la prééminence des rois de France au dessus des autres rois de la terre.
  2. « Un tiers de lieue », Fauriel, traduction qui convient mieux au sens général, mais à laquelle le texte se prête difficilement.
  3. S’agit-il des sentinelles sarrazines ou des chrétiennes ? le texte ne le dit pas.