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croisade contre les albigeois.

qui est bon et agréable, manda au Chapitre et aux conseillers de la commune et aux autres prudhommes, bourgeois et marchands, de réunir les ingénieurs, les mariniers, les manœuvres, les bonnes compagnies, les sergents loués, [7625] pour secourir les tours, car il y a presse. Ils répondirent : « Nous le ferons volontiers. » Parmi la ville ils choisissent les ouvriers, et à la tête du pont[1] ils placent les charpentiers. Mais ceux-ci redoutèrent de passer, car la voie est périlleuse, [7630] le pont étant écroulé par morceaux dans le fleuve. Cependant Pedro Domingo, un vaillant écuyer d’Aragon, se risqua, et fit pour fixer la corde deux voyages complets (?) [7635] Du dedans comme du dehors cent mille hommes le regardent, se disant l’un à l’autre : « Voilà un homme leste ! » Puis ils firent un pont de cordes, avec claies transversales[2], et par ce moyen la voie fut établie jusqu’à la vieille tour. Mais pour secourir l’autre tour, la difficulté est plus grande, [7640] car il n’y a ni passage, ni pont, ni escalier. D’une tour à l’autre, avec de longues cordelettes doubles, ils font passer, en un panier de roseau[3] qui ressemblait à une carnassière, les vivres et les carreaux acérés. Pourtant Ugo de la Mote, un vaillant chevalier, [7645] accompli dans les armes et dans tout autre métier, se mit à l’eau le premier avec une bonne

  1. Du côté de Toulouse, sur la rive droite. On a vu, v. 7577, que le pont avait été enlevé par les eaux.
  2. C’est le sens le plus naturel, quoiqu’il oblige de rapporter traversers, qui est masculin, à cledas, qui est féminin.
  3. J’avais traduit, au vocabulaire, cesca par glaïeul, d’après le Glossaire botanique de M. Azais ; M. J. Bauquier fait remarquer (Romania, VI, 453) que ce mot désigne proprement les plantes du genre typha, notamment le roseau des étangs.