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croisade contre les albigeois.

Le comte de Montfort fit commander par l’ost [7370] que tous vinssent entendre la proclamation. Le comte était beau et sachant, et sut leur inspirer hardiesse. Ayant délacé son heaume, il leur parla ainsi : « Seigneurs, vous êtes venus pour servir l’Église, pour prendre la ville et pour assurer mon succès. [7375] Actuellement vous devez diriger vos attaques de manière à établir un autre siége au bas de la ville, pour mieux les tenir, en sorte que d’aucune part ils ne puissent sortir sur nous ; puis nous les ferons jeûner là-dedans et languir. [7380] Et si je puis avoir la ville et ses défenseurs, tout l’avoir, toute la terre sera à vous, quand on fera le partage, car de tout ce qu’il peut y avoir je ne veux rien me réserver, sinon la ville seule et l’extermination de ses défenseurs. » — Tous l’écoutent, et se prennent à murmurer. [7385] Amauri de Craon lui répond quand il eut fini : « Par Dieu, beau sire comte, on vous doit fort remercier de ce que si vite vous voulez nous pousser au succès. Mais avant que cela se fasse, nous voulons vous demander autre chose : c’est de ne pas nous tromper, ni nous honnir ; [7390] car qui trop se hâte tard se repent ! Nous et nos chevaux sommes tous las du voyage ; nous ne saurions donc supporter la fatigue : un homme affaibli ne sait se retourner. Mais, puisque vous nous aimez et voulez notre bien à ce point, [7395] abandonnez-nous la ville que vous avez fait fortifier[1], afin que nous puissions nous y

  1. La ville temporaire (cf. v. 7115) où se tenaient les assiégeants. J’ai dit, ci-dessus, p. 338 note 4, qu’il y avait sans doute quelque