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croisade contre les albigeois.

que ni eux ni la ville ne soient détruits ; mais faites payer à la ville une contribution. — Sire comte, » dit l’évêque, « soyez envers eux si sévère que vous ne leur laissiez que leur peau. [5620] Que toute la richesse, deniers et argent, soit à vous : je suis d’avis que d’une Toussaint à l’autre ils doivent vous payer 30,000 marcs, rien de moins. Ce sera pour commencer ; ce qui leur restera ne sera pas grand chose. [5625] Et tenez-les toujours comme on tient des serfs qu’on a obligés à se rendre, de façon à ce qu’ils ne soient plus en état de vous montrer les dents avec colère. — Sire, » dit Tibaut, « prêtez-moi un instant d’attention : tels sont leur présomption et leur énergie, leur malice et leur penchant naturel, [5630] que vous et nous devons être sur nos gardes ; car si vous ne les tenez pas abaissés et faibles, nous et vous et l’Église y trouverons encore à lutter. » Telles furent les conditions auxquelles on s’arrêta. Le comte de Montfort envoya ses sergents cruels [5635] qui commencent à imposer des tailles et à faire toute sorte de vexations, d’insultes, de dommages, d’affronts, et vont par la ville, menaçant et frappant, demandant et recevant partout. Alors vous auriez vu par toutes les rues les dames et les barons dolents, [5640] marris, pleins de tristesse, pleurant et souffrant, les yeux remplis de larmes cuisantes, le cœur de soupirs, ceux du dehors prenant, ceux du dedans donnant[1], car il ne leur est laissé ni farine, ni froment, [5645] ni ciclaton, ni pourpre, ni aucun

  1. M. à m. « ceux du dehors achetant, ceux du dehors vendant », mais c’est une expression proverbiale qu’il ne faut pas prendre à la lettre ; voy. au gloss. comprar.