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croisade contre les albigeois.

le comte, « mon cœur et ma pensée me disent de livrer la ville au pillage, puis au fer et à la flamme ardente. Car on ne peut voir si orgueilleuses créatures ; [5590] car sans l’évêque, qui est subtil et savant, qui les a joués avec des paroles et des conventions, toute ma mesnie était perdue, ma personne honnie et ma valeur anéantie. Et si je n’en tire pas vengeance, j’en serai triste et dolent. — [5595] Sire comte, » dit Tibaut, « c’est chose jugée que tout homme, quel qu’il soit, lorsqu’il se révolte contre son seigneur, doit recevoir la mort par le glaive. — Tibaut, » dit Alain, « voilà un conseil qui coûtera cher au comte si Dieu ne l’en défend. [5600] Est-ce que monseigneur le comte ne leur a pas juré sur les reliques d’être pour eux bon et loyal, et de les gouverner honnêtement, de même qu’ils se sont engagés envers lui par serment ? Et puisque l’engagement est réciproque, il faut voir laquelle des deux parties y a manqué la première. [5605] Je suis votre homme, je me comporte loyalement, je vous aime de bon cœur et vous obéis, vous n’avez tort ni faute à me reprocher, ni rien en quoi j’aie démérité ; vous, au contraire, vous êtes un mauvais seigneur, vous ne tenez pas vos serments, et venez me ruiner par le fer tranchant : [5610] est-ce que je ne dois pas me défendre ? Mais si vraiment, je le dois ! le privilége du seigneur est simplement que son homme n’a pas le droit de l’attaquer le premier. — Frère, » dit le comte Gui, « vous êtes si preux et vaillant, que chez vous le sens doit triompher du ressentiment, [5615] et vous amener à avoir pour eux égards et merci, de façon