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croisade contre les albigeois.

menant au trot[1]. Mais la peine, l’affliction, la poussière, la chaleur, la fatigue, l’angoisse, le péril, la colère, font que sur leurs visages les larmes se mêlent à la sueur, [5540] et que, de douleur, leur cœur se fend dans leur poitrine, et que leurs forces diminuent en même temps que croît leur dépit. Par la ville s’élèvent le cri, le deuil, les pleurs des maris, des dames, des enfants, des fils, des pères, des mères, des sœurs, [5545] des oncles, des frères, et de tant de personnes considérables qui pleuraient. « Eh Dieu ! » se disaient-ils l’un à l’autre, « quels maîtres cruels ! Seigneur, comme vous nous avez livrés aux mains de brigands ! Ou donnez-nous la mort, ou rendez-nous à nos seigneurs légitimes ! » Le comte de Montfort envoie ses ordres par tout le pays [5550] pour qu’il n’y reste ni homme, ni pioche, ni hoyau, ni pic, ni.....[2], ni bon coin à fendre : que tous viennent au comte et lui apportent leur concours pour détruire Toulouse qui est sans défense. Et il fait dire par tous ses agents [5555] que les démolisseurs aillent par toute la ville, et la ruinent de telle sorte qu’on y puisse entrer sans obstacle. Alors vous auriez vu abattre maisons à étages, tours, murs, salles, larges créneaux ! on ruine toits, ouvroirs, [5560] parapets et chambres richement peintes, portails, voûtes, piliers élevés. De toutes parts sont si grands la rumeur, la poussière, le fracas, la fatigue, l’agitation, que tout en est confondu[3], et [5565] qu’il semble que ce soit

  1. Ou « comme des trotte à pied, » voy. plus loin la note du v. 5956.
  2. Palagrilh, mot que je n’entends pas ; voir le vocab.
  3. Je ne traduis pas exactement le v. 5564, qui n’est qu’une vaine accumulation de mots.