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croisade contre les albigeois.

au martyre. C’est notre mort qu’on nous demande actuellement. Quel cœur peut imaginer une convention aussi étrange, aussi dure, aussi cruelle, une telle trahison ! » [5500] Un de ceux de la ville leur crie à haute voix : « Seigneurs, je veux m’en aller ; je vous tiens quittes du reste, mais donnez-moi un sauf-conduit qui me mène en lieu sûr. » Ils répondirent : « Vous allez l’avoir, et sans retard ! » Et ils le mettent en prison, brutalement, [5505] dans des chaînes qui n’étaient pas d’argent[1], jusqu’à ce que Dieu et sa bonne fortune le délivrèrent. Les autres, à cette vue, eurent telle frayeur qu’onques puis ils ne demandèrent garantie ni serment : affligés, tristes, marris, pensifs et souffrants, [5510] ils sont en la merci du comte.

CLXXVIII.

En la merci du comte il leur vient un surcroît de douleur et d’affliction….[2] et de la mort cruelle et des mauvais parleurs. Le comte de Montfort mande ses bourreaux qui vont trottant par les rues, [5515] ramassant les armes et les principales pièces d’armure. Puis il fait dire par les corneurs de trompe que tout chevalier, ou dame, ou homme notable étant de

  1. C’est là une expression proverbiale qui peut venir de ce qu’en effet il arrivait que certains prisonniers de marque étaient tenus en chaînes d’argent. Ainsi dans Girart de Roussillon nous voyons qu’Aupais, la fille du duc Thierri, tenait Foulques son prisonnier en chaînes d’argent :

    Fet li buies d’argent, non de leiton.

    (Ms. d’Oxford, fol. 139 vo ; ms. de Paris, éd. C. Hofman, v. 7083.)

  2. Lacune, voir la note sur le v. 5511.