Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[1216]
277
croisade contre les albigeois.

la ville avec l’assentiment du comte[1]. » C’est là que vous auriez vu pleurer les dames et les enfants qui disent à leurs pères : « Sire, quand reviendrez-vous ? » Et ils[2] s’en remontèrent les uns deux par deux, les autres seuls. Le comte prit d’otages autant que le château en pouvait tenir ; [5365] puis il fait appeler ses barons sans délai et sans bruit. « Sire comte, » dit l’évêque, « nous vous écoutons. — Barons, » dit le comte, « j’ai besoin de vos conseils : je veux détruire la ville ; je ne sais si tel sera votre avis. Mais, l’avoir qu’on y trouvera vous vous le partagerez, [5370] et réparerez ainsi vos pertes. — Frère, » dit Gui, « par la foi que je vous dois, vous ne ferez pas cela : détruire Toulouse, c’est vous détruire vous-même, et si vous tenez la ville, vous tiendrez en même temps le reste du pays. Si vous la perdez, vous perdrez l’appui du monde et l’honneur ; [5375] car raison et droit, coutume et honneur veulent que si elle s’humilie[3] envers vous, vous soyez humble envers elle ; puisqu’elle ne se montre point hautaine, que vous ne soyez pas hautain. Et je sais bien vous dire comment vous la gagnerez : vous assemblerez leur cour et la vôtre, [5380] vous transigerez au sujet des méfaits, des réclamations, des dommages ; vous

  1. Ce qui revient à dire : « Vous serez exilés. » On pourrait entendre aussi : « Vous perdrez l’amour du comte, » mais ce second sens me paraît moins probable.
  2. Les enfants ou les pères ? probablement les premiers. Fauriel, qui a fait à cet endroit une faute de lecture (E cel pour Et el), entend qu’il s’agit des pères.
  3. Humiliar est en prov. un peu moins fort que le fr. actuel « s’humilier, » c’est plutôt montrer de la modération, de la douceur.