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croisade contre les albigeois.

commande ; car le don ne lui en fut pas fait à autre titre. Les comtes en furent aigris, car celui qui perd sa terre a l’angoisse au cœur[1]. — Mais devant le pape, car il en est temps et saison, [3200] se lève le comte de Foix ; les raisons lui viennent en abondance, et il sait bien les dire.

CXLIV.

Et il sait bien les dire avec sens et connaissance. Quand le comte parle, debout sur le pavement, toute la cour l’écoute, le regarde, lui prête attention. [3205] Il a le teint frais, il est bien de sa personne ; il s’approcha du pape et lui dit : « Sire pape droiturier, de qui le monde entier relève, qui tiens le siége de saint Pierre et gouvernes à sa place, auprès de qui tous pécheurs doivent trouver protection, [3210] qui dois maintenir la droiture, la paix, la justice, car tu as été placé pour notre salut, seigneur, écoute mes paroles et rends-moi tout ce qui m’est dû ; car je puis me justifier et faire vrai serment que onques je n’aimai les hérétiques ni nul mécréant, [3215] que je repousse leur société, que je ne leur donne aucun appui. Et puisque la sainte Église me trouve obéissant, je suis venu en ta cour pour obtenir un loyal jugement, moi et le puissant comte mon seigneur, et son fils également, qui est bon et sage et de tendre jeunesse, [3220] et ne s’est rendu coupable d’aucune tromperie, d’aucune mauvaise action. Et

  1. Ces favorables dispositions du pape à l’égard du comte de Toulouse n’ont pas été ignorées de P. de V.-C. qui paraît près de s’en irriter ; voy le passage du ch. LXXVI cité p. 150, n. 3.