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croisade contre les albigeois.

tomba mort tout étendu[1]. Les autres à cette vue se tiennent pour trahis. Qui fuit çà, qui fuit là : pas un

  1. Le roi d’Aragon aurait donc été frappé sans avoir, pour ainsi dire, combattu, en même temps que ses troupes étaient surprises et mises en déroute sans avoir eu le temps de se mettre en ligne. C’est aussi ce que fait entendre le roi Jacme Ier, son fils ; lorsqu’il nous montre son père tellement épuisé des excès de la nuit précédente, qu’il pouvait à peine se tenir sur ses pieds ; lorsqu’il nous apprend que l’armée royale ne sut pas se ranger en bataille ni marcher ensemble, mais que chacun combattait isolément (ch. IX). Il est donc difficile d’admettre avec P. de V.-C. que l’armée d’Aragon fût rangée sur plusieurs lignes dans la seconde desquelles se trouvait le roi : « Ipse enim, utpote superbissimus, in secunda acie se posuerat, cum reges semper esse soleant in extrema » (Bouq. 87 b). L’historien ajoute qu’il avait changé ses armes, « armisque se induerat alienis, » fait dont on a bien d’autres exemples (p. ex. au combat de Gisors, 1198, voy. Récits d’un Ménestrel de Reims, éd. de Wailly, §112), et que mentionne aussi Baudouin d’Avesnes, voir plus bas. — Un récit fort circonstancié de la bataille de Muret se trouve dans la lettre circulaire que les prélats de l’armée adressèrent aussitôt après la victoire « ad universos Christi fideles. » Ce récit s’accorde sensiblement avec celui de P. de V.-C., ce qui est d’autant moins surprenant que ce dernier connaissait la circulaire, puisqu’il l’a insérée dans son histoire (ch. LXXII). Mathieu Paris, qui rapporte la même lettre, y a intercalé l’anecdote suivante : « Per exploratores noverat comes Simo quod rex Aragonum se paravit. Tam securus fuit ut ad mensam sederet pransurus ; unde comes jocose dixit, super hoc certificatus, cum exiret : « Certe serviam ei de primo ferculo. » Unde primus, vel de primis unus, rex ipse Arragonum gladio transfossus, antequam tres buccellas panis deglutiret, interemptus occubuit » (Chron. majus, éd. Luard, II, 568). — Le récit de la Chronique de Baudouin d’Avesnes cité par D. Vaissète (t. III, note XVII), bien que notablement postérieur à l’événement, semble en somme assez digne de confiance. Il s’accorde, avec le poème, à dire que le roi se fit reconnaître au moment le plus critique, mais place ce fait dans des circonstances particulièrement honorables : « ..... il virent celui qui avoit vestu les armes le roi d’Aragone : si lui coururent sus tout ensemble ; cilz se deffendi au mieulx qu’il peut. Mais mess. Alains se perceut bien que li rois estoit meilleurs