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introduction, § iii.

« comes Tolosanus » est bien plutôt dolosanus ; les habitants de Castelnaudari sont des Ariens, Ariani. S’il parle, soit de Gaston de Béarn, adhérent inconstant de Simon de Montfort, puis du comte de Toulouse, soit des comtes de Foix et de Comminges dont le crime était de ne s’être pas laissé dépouiller sans résistance, il faut qu’il les qualifie de viri sceleratissimi. Mais que nous importe ? En quoi ces explosions de colère font-elles tort au récit des faits ? Bien au contraire, il faut nous féliciter d’une intempérance de langage qui nous permet de distinguer si clairement les sentiments des chefs ecclésiastiques de la croisade dans la société desquels vivait Pierre de Vaux-Cernai.

Plus modéré ou plus circonspect, il nous eût dissimulé bien des faits, bien des motifs qu’il mentionne comme étant les plus naturels du monde, comme honorables même, et qui nous sont infiniment précieux pour apprécier la moralité de l’entreprise dont il s’était fait l’historien enthousiaste. Ainsi, c’est à lui que nous devons de savoir par quel acte de duplicité le légat Arnaut Amalric, « désirant la mort des ennemis du Christ, mais ne les osant pas condamner à mort parce qu’il était moine et prêtre[1], » empêcha la capitulation de la ville de Minerve et le salut des hérétiques qui y étaient renfermés. C’est encore lui qui nous raconte le miracle de Castres dont le point essentiel est qu’un hérétique, qui venait d’abjurer l’hérésie, fut cependant condamné au feu, parce que, disait-on, si sa conversion est feinte, il sera justement puni ; si elle est réelle, le supplice lui servira du moins pour l’expiation de ses péchés[2]. Sachons gré au panégyriste de Simon de Montfort de nous

  1. Ch. XXXVII, Bouquet, XIX, 32 a.
  2. Ch. XXII, Bouquet, XIX, 24-5.