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croisade contre les albigeois.

(le roi d’Aragon) monta sur le palefroi, et retourna en l’ost. Avec les Français il parla, [655] et avec l’abbé de Cîteaux qu’on y appela ; car sans son conseil jamais rien ne sera fait[1]. Le roi leur a rapporté l’entretien qu’il a eu dans la ville avec le vicomte, et fort il les pria en faveur de ce dernier autant qu’il put, et en faveur des barons qu’il (le vicomte) y a. [660] Il eut beau s’entremettre et faire pas et démarches, en définitive, il n’aboutit à rien, sinon que pour l’amour de lui l’ost fera ceci : le vicomte, lui douzième de ceux qu’il voudra, pourra sortir avec ce qu’ils auront sur eux, [665] et tout le surplus sera à discrétion des croisés. Le roi dit entre ses dents : « Cela se fera quand un âne volera dans le ciel. » Dépité et courroucé il retourna en la cité, et exposa l’affaire au vicomte et aux siens. [670] Et lui (le vicomte), quand il entendit cela, dit que plutôt il se laissera écorcher tout vif[2], ou que lui-même il se tuera. Jamais jour de sa vie il n’acceptera pareille convention, ni n’abandonnera le dernier de ses hommes. Il le prie de s’en retourner ;

    faire accepter son hommage par le roi d’Aragon (P. de V.-C. ch. XXVI). Il n’y parvint qu’assez tard, en janvier 1211 (P. de V.-C. ch. XLVII).

  1. Jusqu’au moment où Simon de Montfort eut reçu la seigneurie des pays conquis, l’abbé de Cîteaux fut bien réellement le chef de la croisade, dirigeant l’armée, selon les pouvoirs que lui avait donnés le pape (voy. v. 148). Même après l’élection du sire de Montfort, son autorité reste encore prépondérante, car au siége de Minerve c’est lui, « totius negotii Christi magister », qui traite de la reddition de la place (P. de V.-C. ch. XXXVII, Bouquet, p. 32 a).
  2. Je traduis d’après la correction proposée en note ; car, selon le texte du ms., il faudrait : « que plutôt il les laissera écorcher vifs. »