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croisade contre les albigeois.

XV.

Le vicomte de Béziers ne cesse, nuit ni jour, de mettre sa terre en défense, car il était plein de cœur. Aussi loin que s’étend le monde il n’y a meilleur chevalier, [345] ni plus preux, ni plus large, plus courtois ni plus aimable. Il était neveu du comte Raimon et fils de sa sœur. Lui-même fut catholique : j’en prends à témoins nombre de clercs et de chanoines qui vivent en couvent ; mais, par suite de sa grande jeunesse[1], il était familier avec tous, [350] et ceux de son pays, de qui il était le seigneur, n’avaient de lui ni défiance ni crainte ; loin de là : ils jouaient avec lui comme s’il eût été leur compagnon. Tous ses chevaliers et les vavasseurs protégeaient les hérétiques, qui en château, qui en tour ; [355] par suite de quoi ils furent détruits et mis à mort avec déshonneur. Lui-même en mourut à grande douleur[2], — ce fut péché et perte, — pour cette grave faute. Je ne le vis qu’une fois : lorsque le comte de Toulouse épousa dame Eléonore[3] [360] la meilleure reine, la plus belle qu’il y ait en chrétienté ni en terre païenne, ni aussi loin que le monde s’étende, jusqu’en Asie[4] Je ne saurais dire

  1. Il avait environ vingt-quatre ans ; voy. ci-dessus p. 11, n. 4.
  2. Cf. 862-8.
  3. Eléonore d’Aragon, en 1200.
  4. Terre major paraît désigner la France dans la chanson de Rolant (voy. le glossaire de l’édition de M. L. Gautier, au mot tere, et le gloss. de Gachet au mot major). Dans la pièce « Tortz e guerras e joi d’amor, » de Bertran de Born est mentionné un « rei de Terra major » (selon le ms. 854) ou de « Terra menor » (selon le ms. 5232 du Vatican) qui ne peut guère être que le roi de