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croisade contre les albigeois.

VI.

Mais l’abbé de Cîteaux, qui tenait la tête penchée, s’est levé auprès d’un pilier de marbre, et dit au pape : « Sire, par saint Martin, c’est trop de paroles et de bruit sur cette affaire : [125] faites faire vos lettres, faites les écrire en latin, telles qu’il vous plaira, afin que je me mette en route, et [faites les] envoyer en France et par tout le Limousin, en Poitou, en Auvergne, jusqu’en Périgord. Faites proclamer de même le pardon [130] par toute la terre et par tout Constantinople. Que celui qui ne se croisera ne boive jamais plus de vin, qu’il ne mange plus sur nappe ni soir ni matin, qu’il ne s’habille plus d’étoffe de chanvre ou de lin ; à sa mort qu’il ne soit pas plus enterré qu’un mâtin. » Après ces paroles, tous s’accordent, quand il eut fini, [135] au conseil qu’il leur donne.

VII.

Quand l’abbé de Cîteaux, personnage honoré (qui puis fut élu évêque de Narbonne[1]), le meilleur et le plus preux qui jamais y ait porté tonsure, leur eut donné le conseil, personne ne dit mot, [140] excepté le pape qui fit une figure affligée : « Frère, » dit le pape, « va à Carcassonne et à Toulouse la grande, qui sied sur la Garonne. Tu conduiras les osts sur la gent félonne ; de la part de Jésus-Christ pardonne-leur leurs péchés, [145] et de ma part prie-les, ser-

  1. Le 12 mars 1212.