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introduction, § xi.

réalité appartiennent à tout l’ouest des pays de langue d’oïl (Normandie, Anjou, Poitou, Saintonge) et qui se montrent parfois dans des textes du centre[1]. Estot, 60, serait à joindre à cette liste, si le sens permettait de le rattacher à ester, mais comme c’est indubitablement l’imparfait du verbe estre, il faut admettre que Guillem a fait un barbarisme. Les autres rimes sont ot (habuit), mot, sot (sapuit), sot (adj.), tot. Il est bien évident que l’auteur a voulu faire des rimes françaises ; mais il y a mal réussi, car sans parler du barbarisme estot, il a admis deux rimes en o fermé, mot et tot, entre des rimes en o ouvert. On peut croire que ce qu’il savait de français, il l’avait appris plutôt par la lecture que par l’audition.

Tout incomplète qu’elle est, cette étude des rimes de Guillem suffit à montrer que la langue de cet auteur est un mélange irrégulier de provençal et de français. Les proportions de ce mélange ne se peuvent déterminer avec certitude, parce qu’il est assuré que les copistes ont fait disparaître mainte forme française, mais au moins savons-nous que la proportion de l’élément français devait être dans le ms. de Guillem plus forte que ce qu’elle est dans notre unique ms. du poème.

Un auteur qui use avec aussi peu de discrétion des formes de deux idiomes donne à penser par cela seul qu’il n’a qu’une connaissance très imparfaite de l’un et de l’autre ; présomption qu’on pourrait aisément convertir en certitude si on prenait la peine de relever dans les 2768 vers de G. de Tudèle les formes nombreuses qui ne sont réellement correctes en aucun dialecte ni du nord ni du midi de la France.

  1. Raclot, dans Ogier le Danois, 4633 ; Alexandre, éd. Michelant, p. 309, toute une laisse ; J. de Meung, Rom. de la Rose, éd. Michel, II, 81, honorot (rimant avec ot) ; ibid., 157, pensot (rimant avec sot).