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agréable la matière d’un joli conte. Le bien qu’il vient de faire est un peu moins su, à la vérité ; mais il a fait ce bien : que voudrait-il davantage ?

47 (I)

Les grands ne doivent point aimer les premiers temps : ils ne leur sont point favorables ; il est triste pour eux d’y voir que nous sortions tous du frère et de la sœur. Les hommes composent ensemble une même famille : il n’y a que le plus ou le moins dans le degré de parenté.

48 (VI) Théognis est recherché dans son ajustement, et il sort paré comme une femme ; il n’est pas hors de sa maison, qu’il a déjà ajusté ses yeux et son visage afin que ce soit une chose faite quand il sera dans le public, qu’il y paraisse tout concerté, que ceux qui passent le trouvent déjà gracieux et leur souriant, et que nul ne lui échappe. Marche-t-il dans les salles, il se tourne à droit, où il y a un grand monde, et à gauche, où il n’y a personne ; il salue ceux qui y sont et ceux qui n’y sont pas. Il embrasse un homme qu’il trouve sous sa main, il lui presse la tête contre sa poitrine ; il demande ensuite qui est celui qu’il a embrassé. Quelqu’un a besoin de lui dans une affaire qui est facile ; il va le trouver, lui fait sa prière : Théognis l’écoute favorablement, il est ravi de lui être bon à quelque chose, il le conjure de faire naître des occasions de lui rendre service ; et comme celui-ci insiste sur son affaire, il lui dit qu’il ne la