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des découvertes ; ils se passent les uns aux autres qu’ils sont gens à belles aventures. L’un d’eux, qui s’est couché tard à la campagne, et qui voudrait dormir, se lève matin, chausse des guêtres, endosse un habit de toile, passe un cordon où pend le fourniment, renoue ses cheveux, prend un fusil : le voilà chasseur, s’il tirait bien. Il revient de nuit, mouillé et recru, sans avoir tué. Il retourne à la chasse le lendemain, et il passe tout le jour à manquer des grives ou des perdrix.

(VII) Un autre, avec quelques mauvais chiens, aurait envie de dire : Ma meute. Il sait un rendez-vous de chasse, il s’y trouve ; il est au laisser-courre ; il entre dans le fort, se mêle avec les piqueurs ; il a un cor. Il ne dit pas, comme Ménalippe : Ai-je du plaisir ? Il croit en avoir. Il oublie lois et procédure : c’est un Hippolyte. Ménandre, qui le vit hier sur un procès qui est en ses mains, ne reconnaîtrait pas aujourd’hui son rapporteur. Le voyez-vous le lendemain à sa chambre, où l’on va juger une cause grave et capitale ? il se fait entourer de ses confrères, il leur raconte comme il n’a point perdu le cerf de meute, comme il s’est étouffé de crier après les chiens qui étaient en défaut, ou après ceux des chasseurs qui prenaient le change, qu’il a vu donner les six chiens. L’heure presse ; il achève de