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une fois le jour avoir de l’esprit. Bien loin d’attendre de lui qu’il défère à vos sentiments, qu’il soit complaisant, qu’il vous loue, vous n’êtes pas sûr qu’il aime toujours votre approbation, ou qu’il souffre votre complaisance.


I4 (IV)


Il faut laisser parler cet inconnu que le hasard a placé auprès de vous dans une voiture publique, à une fête ou à un spectacle ; et il ne vous coûtera bientôt pour le connaître que de l’avoir écouté : vous saurez son nom, sa demeure, son pays, l’état de son bien, son emploi, celui de son père, la famille dont est sa mère, sa parenté, ses alliances, les armes de sa maison ; vous comprendrez qu’il est noble, qu’il a un château, de beaux meubles, des valets, et un carrosse.


I5 (I)


Il y a des gens qui parlent un moment avant que d’avoir pensé. Il y en a d’autres qui ont une fade attention à ce qu’ils disent, et avec qui l’on souffre dans la conversation de tout le travail de leur esprit ; ils sont comme pétris de phrases et de petits tours d’expression, concertés dans leur geste et dans tout leur maintien ; ils sont puristes, et ne hasardent pas le moindre mot, quand il devrait faire le plus bel effet du monde ; rien d’heureux ne leur échappe, rien ne coule de source et avec