Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/300

Cette page n’a pas encore été corrigée



Que faire d’Egésippe, qui demande un emploi ? Le mettra-t-on dans les finances, ou dans les troupes ? Cela est indifférent, et il faut que ce soit l’intérêt seul qui en décide ; car il est aussi capable de manier de l’argent, ou de dresser des comptes, que de porter les armes. « Il est propre à tout », disent ses amis, ce qui signifie toujours qu’il n’a pas plus de talent pour une chose que pour une autre, ou en d’autres termes, qu’il n’est propre à rien. Ainsi la plupart des hommes occupés d’eux seuls dans leur jeunesse, corrompus par la paresse ou par le plaisir, croient faussement dans un âge plus avancé qu’il leur suffit d’être inutiles ou dans l’indigence, afin que la république soit engagée à les placer ou à les secourir ; et ils profitent rarement de cette leçon si importante, que les hommes devraient employer les premières années de leur vie à devenir tels par leurs études et par leur travail que la république elle-même eût besoin de leur industrie et de leurs lumières, qu’ils fussent comme une pièce nécessaire à tout son édifice, et qu’elle se trouvât portée par ses propres avantages à faire leur fortune ou à l’embellir.

Nous devons travailler à nous rendre très dignes de quelque emploi : le reste ne nous regarde point, c’est l’affaire des autres.


II (VII)


Se faire valoir par des choses qui ne dépendent point des autres, mais de soi seul, ou renoncer à