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poème tragique vous serre le cœur dès son commencement, vous laisse à peine dans tout son progrès la liberté de respirer et le temps de vous remettre, ou s’il vous donne quelque relâche, c’est pour vous replonger dans de nouveaux abîmes et dans de nouvelles alarmes. Il vous conduit à la terreur par la pitié, ou réciproquement à la pitié par le terrible, vous mène par les larmes, par les sanglots, par l’incertitude, par l’espérance, par la crainte, par les surprises et par l’horreur jusqu’à la catastrophe. Ce n’est donc pas un tissu de jolis sentiments, de déclarations tendres, d’entretiens galants, de portraits agréables, de mots doucereux, ou quelquefois assez plaisants pour faire rire, suivi à la vérité d’une dernière scène où les mutins n’entendent aucune raison, et où, pour la bienséance, il y a enfin du sang répandu, et quelque malheureux à qui il en coûte la vie.


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Ce n’est point assez que les mœurs du théâtre ne soient point mauvaises, il faut encore qu’elles soient décentes et instructives. Il peut y avoir un ridicule si bas et si grossier, ou même si fade et si indifférent, qu’il n’est ni permis au poète d’y faire attention, ni possible aux spectateurs de s’en divertir. Le paysan ou l’ivrogne fournit quelques scènes à un