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mauvais :mais l’endroit de l’ouvrage que ces critiques croient citer, et qu’en effet ils ne citent point, n’en est pas pire.

23. « Que dites-vous du livre d’Hermodore ? — Qu’il est mauvais, répond Anthime. — Qu’il est mauvais ? — Qu’il est tel, continue-t-il, que ce n’est pas un livre, ou qui mérite du moins que le monde en parle. — Mais l’avez-vous lu ? — Non », dit Anthime. Que n’ajoute-t-il que Fulvie et Mélanie l’ont condamné sans l’avoir lu, et qu’il est ami de Fulvie et de Mélanie ?

24. Arsène, du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse. Loué, exalté, et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit, avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux ames communes le mérite d’une vie suivie et uniforme ; et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent : eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire. Il n’y a point d’autre ouvrage d’esprit si bien reçu dans le monde, et si universellement goûté des honnêtes