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De la médisance

Je définis ainsi la médisance : une pente secrète de l’âme à penser mal de tous les hommes, laquelle se manifeste par les paroles ; et pour ce qui concerne le médisant, voici ses mœurs. Si on l’interroge sur quelque autre, et que l’on lui demande quel est cet homme, il fait d’abord sa généalogie : « Son père, dit-il, s’appelait Sosie, que l’on a connu dans le service et parmi les troupes sous le nom de Sosistrate ; il a été affranchi depuis ce temps, et reçu dans l’une des tribus de la ville ; pour sa mère, c’était une noble Thracienne, car les femmes de Thrace, ajoute-t-il, se piquent la plupart d’une ancienne noblesse : celui-ci, né de si honnêtes gens, est un scélérat et qui ne mérite que le gibet. » Et retournant à la mère de cet homme qu’il peint avec de si belles couleurs : « Elle est, poursuit-il, de ces femmes qui épient sur les grands chemins les jeunes gens au passage, et qui pour ainsi dire les enlèvent et les ravissent. » Dans une compagnie où il se trouve quelqu’un qui parle mal d’une personne absente, il relève la conversation : "