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italiens se plaisaient à lui faire redire des vers du Tasse tout entiers, entremêlés de coups de fusil que l’écho nous rendait en coups de canon et en éclats de tonnerre…

Les brisants du Nil me rappellent le bruissement de nos torrents des Alpes…

Toutes les descriptions ne sauraient donner une idée d’Alexandrie. C’est une véritable apparition des antipodes et l’on se trouve tout à coup dans un monde nouveau. Des couloirs étroits et bordés d’échoppes, encombrés d’hommes de toute couleur, de chiens couchés, et de chameaux attachés en chapelets ; des cris rauques mêlés à la voix glapissante des femmes et d’enfants à demi-nus ; une poussière étouffante ; et, par-ci par-là quelque seigneur magnifiquement habillé et maniant un superbe cheval ; voilà ce qu’on nomme une rue d’Alexandrie…

La place de l’Ezbékieh, au Caire, pour la fête du Prophète, est couverte de monde entourant les baladins, les danseuses, les chanteurs et de très belles tentes sous lesquelles on pratique des actes de dévotion. Ici, des musulmans assis lisent en cadence des chapitres du Coran ; là trois cents dévots rangés en lignes parallèles et mouvant le haut de leur corps en avant et en arrière comme des poupées à charnières, chantent en chœur : Il n’y a pas d’autre dieu que Dieu ! Plus loin quatre cents énergumènes debout, rangés circulairement et se sentant les coudes, sautent en cadence en lançant du fond de leur poitrine épuisée le nom d’Allah mille fois répété, mais d’un ton si sourd, si caverneux, que je n’ai entendu de ma vie un chœur plus infernal, cet effroyable bourdonnement sem-