Page:La Brière - Champollion inconnu.djvu/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 23 —


Avec cette disposition d’impressionnabilité sensitive, les lettres de l’enfant manifestent encore une timidité, une modestie, une méfiance de soi-même que plus tard les contemporains déclarèrent singulièrement attrayante chez le grand homme. Au lendemain d’une sortie, il écrivit à son frère :


J’eus tort hier au soir, je le sens bien maintenant, de ne pas saluer M. Chalvet en partant ; mais je t’avoue que, lorsque je le fais, j’ai un air le plus gauche du monde. Je n’aime pas à parler aux personnes un peu âgées. J’ai pour cela une timidité et une honte qui me retient et à laquelle je ne comprends rien. Que ferai-je ?


Un autre jour, le lycéen est invité à parler devant le préfet du département en séance solennelle ; il se récuse aussitôt :


Je suis vraiment fâché de l’honneur que veut me faire M. le préfet, mais je crois impossible que je puisse vaincre ma timidité. Si je suis troublé devant quatre personnes, à plus forte raison devant mille. Je te prie de faire toutes les démarches possibles pour que cela n’ait pas lieu. S’il veut m’examiner j’en suis bien fâché ; mais je t’assure que je n’aurai jamais la force de répondre devant des personnes si respectables. Je te prie de croire que ce n’est pas à cause que je ne sais pas, que j’agis ainsi. Tu sais à quoi t’en tenir.