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la bataille des trente


Cil[1] combatoit d’un mail[2] qui pesoit bien le marc
De cent livres d’acier…
Cil qu’il atteint à coup dessus son hasterel[3]
Jamais ne mangera de miche ne de gastel[4].

Un autre

…combattait d’un fauchart
Qui tailloit d’un costé, crochu fut d’autre part.
Devant fut amouré[5] trop plus que n’est un dart ;
Cil qu’il atteint, à coup l’âme du corps lui part[6].

En face de ce bloc terrible sur lequel on ne pouvait mordre, mais qui mordait et navrait ceux qui l’attaquaient ou l’approchaient de trop près. Jean de Beaumanoir était consterné :

Moult grant deul a de voir devant lui tel jouel[7]

Geofroi du Bois s’efforce de rassurer le chef et de relever son espoir :

— Pourquoi donc désespérer, noble sire ? N’avez pas encore avec vous tous vos chevaliers, Charuel, La Marche, Arrel, Tinténiac le preux, Raguenel, Rochefort, Geofroi de la Roche [il eût dû aussi se nommer lui-même]. Tous sont prêts à combattre avec autant de force et de vaillance que des jeunes gens : ils sont bien capables de venir à bout des Anglais. (Laisse 35, Crapelet, p. 32).

Beaumanoir demeure fort anxieux. Car si l’on ne parvient pas à enfoncer le bataillon carré de Crokart, il est aisé de prévoir ce qui va arriver. Les Bretons vont s’acharner dans cette lutte et, exaspérés, s’exposer de plus en plus aux coups des Anglais ; les plus braves d’entre eux finiront par être tués ou mis hors de combat, leur bataillon décimé, démoralisé, très affaibli. Alors les Anglais, qui

  1. Celui-ci, ou celui.
  2. Maillet, masse d’armes.
  3. Sur la nuque.
  4. Gâteau. Crapelet, p. 21 et 31.
  5. Affilé.
  6. Crapelet, p. 19-20.
  7. « Un tel joyau » (ironiquement), un tel appareil de résistance militaire. Laisse 35, Crapelet, p. 31.