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On pense que l’intérim est le seul remède à tous les maux que nous voyons. Et comment est-il possible de le penser ? Car il s’en faut tant qu’il en puisse sortir une bonne paix, qu’au contraire, nous ne sommes maintenant en peine que de trouver moyen de remédier aux inconvénients qui nous sont advenus de cet intérim toléré, sans lequel nous n’aurions maintenant rien à délibérer. C’est donc à cet intérim souffert jusqu’ici et aux maux qui nous en sont venus qu’il nous faut mettre remède, et nous voulons appliquer pour remède ce qui nous fait le mal. Au maniement des affaires il n’y a point de si bons ni si certains enseignements que ceux que l’expérience donne. Or, l’expérience qu’on fait du mal sur autrui est moins ennuyeuse ; mais celle qu’on fait sur soi-même enseigne plus et imprime mieux. Nous avons fait l’essai sur nous, et ne sentons pas la poison que nous avons avalée et qui maintenant nous suit tout le corps. Il y a tantôt huit mois(¹) qu’il y a intérim par toute la France, et que non seulement chacun vit à sa mode, mais que chacun suit son Église, ses chefs et sa police ecclésiastique. Quel fruit avons-nous reconnu de cette tolérance ? Toujours les choses sont allées en empirant et le désordre a augmenté à vue d’œil, et depuis ce temps, si on y prend garde, toujours le jour d’après a été