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pourtant elle n’ôtera rien de l’obéissance que le sujet doit à son souverain. Mais tant y a que nous étant en garboil(¹) l’ennemi qui nous visitera trouvera ce peuple, sinon en moindre volonté, au moins en plus mauvais état pour se défendre. On ne peut ignorer que de la querelle de la religion on n’ait vu sortir des brigues et menées, ce qui nous sert de suffisant témoignage qu’en ce fait ceux qui sont passionnés, comme il y en a plusieurs, ne s’épargneront point de servir par tous moyens à leur passion. Or est-il bien vrai ce qui se dit, que la ville divisée est à moitié prise. Si on veut parler à la vérité sans déguisement, c’est une chose claire que la part qui se sentira défavorisée de son prince, sera du côté de l’étranger qui lui présentera faveur. J’ai cette opinion que si on ne voulait avoir égard qu’à l’utilité de ce royaume et à la conservation de cet État, il vaudrait mieux changer entièrement la religion et tout d’un coup que d’accorder l’intérim. Car, si on l’accorde et que la guerre nous vienne trouver sur cette division, elle est si épouvantable que j’ai horreur de penser les calamités dont ce temps nous menace et les nouveaux exemples de cruauté que la France se prépare de voir parmi les siens, là où si du tout on introduisait la nouvelle [religion], l’étranger ne nous saurait assaillir si tôt que les choses [ne] fûssent