Page:La Boétie - Discours de la servitude volontaire.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Or, peut-on voir que tous les potentats de la chrétienté, et même ceux qui sont nos proches voisins, regardent maintenant fort soigneusement quel chemin nous prendrons. Prenons donc garde à ce qui en adviendra. Nécessairement, ils s’offenseront tout autant de voir accorder l’intérim que si on changeait du tout, car quelle raison ont-ils de se fâcher du changement entier, sinon ou bien pour ce qu’ils ont en horreur la nouvelle doctrine, ou bien pour ce que les pays du Roi les bornent de toutes parts, et ainsi ils prévoient clairement qu’à la longue, si en France cette loi est tolérée publiquement, ils ne sauraient défendre leurs terres de la contagion. Ces mêmes raisons auront-ils de s’offenser pour l’intérim, car ils ne sont pas si peu habiles qu’ils n’entendent bien que toujours, sinon lorsque Dieu par sa providence ouvre miraculeusement, par l’ordre naturel la nouvelle opinion emporte la vieille, si elle peut une fois prendre racine et gagner ce point d’être écoutée publiquement, de tant qu’il n’y a communément que les gens mûrs et à qui l’âge et l’expérience ont conformé le jugement qui ne prennent grand plaisir à changer et le plus souvent les jeunes courent à la nouveauté. Ainsi pour plus tard, en un âge, tous les vieux à qui il a fâché de varier, s’en sont allés, et après vient le nouveau siècle tout peuplé de la jeunesse,