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protégés du cardinal Charles de Lorraine ? Comme il n’est guère de poète de cette époque qui n’ait, de plus ou moins près, approché le cardinal de Lorraine, si prodigue de largesse par politique et par goût, la remarque n’aurait qu’une valeur assez restreinte. Disons seulement que l’un et l’autre se sont plu à chanter — Ronsard en français, La Boétie en latin — la grotte que le cardinal de Lorraine avait vouée aux Muses dans son domaine de Meudon[1]. C’est là que La Boétie appelle les Muses, chassées par les barbares de leur sol paternel ; il les invite à porter là leurs affections : elles s’y trouveront entourées de poètes, comme aux plus beaux jours de l’Hellade. Et, comme pour justifier, semble-t-il, cette invocation, Ronsard place dans cet endroit, dont il décrit les charmes, une églogue dialoguée dont les interlocuteurs sont, avec lui, le chancelier de L’Hospital et Joachim du Bellay. Il suffit de mentionner ici une aussi heureuse coïncidence, qui confirme la probabilité des relations entre Ronsard et La Boétie.

Entré au Parlement de Bordeaux, le premier de ses collègues avec lequel La Boétie semble s’être lié plus particulièment fut Guy de Galard de Brassac[2], conseiller clerc au Parlement depuis 1534, où il avait succédé à son frère Bertrand de Galard, qui faillit être archevêque de Bordeaux en 1529, si l’on en croit Lopès[3]. Guy de Galard avait pour les lettres, comme La Boétie, un culte passionné et était fort lié avec plusieurs savants, entre autres avec Jules-César Scaliger. Celui-ci en avait fait son correspondant ordinaire à Bordeaux, et, de plus, l’avait prié de surveiller l’éducation de ses trois fils, confiée au principal du Collège de Guyenne, Gélida. Les livres arrivaient assez difficilement à Agen ; aussi Brassac se chargeait-il volontiers

  1. Ad Musas, de antro Medono cardinalis Lotharingi (Poemata, f° 105 ; ci-dessous, p. 213). — L’églogue de Ronsard a pour titre : Chant pastoral sur les noces de Monseigneur Charles duc de Lorraine et de Madame Claude, deuxième fille du roi Henri Il (Paris, André Wéchel, 1559, 20 pp. in-4o. Édition P. Blanchemain, t. IV, p. 54).
  2. Guy de Galard de Brassac naquit vers 1492, suivant une généalogie manuscrite dressée par l’archiviste Bouland et conservée au château de Brassac (Noulens, Documents historiques sur la maison de Galard, t. IV, p,. 1043). François Ier lui donna provision de l’office de conseiller au Parlement de Bordeaux par lettres-patentes du 13 octobre 1533 et il prêta serment le 7 janvier 1534. Chanoine d’Agen (1535) et de Saint-André de Bordeaux (1556), il devint président aux enquêtes (18 mai 1543), au moment de la création de la deuxième chambre des enquêtes. Il résigna son office de conseiller en faveur de Florent de Nort (31 mai 1557), et fut admis néanmoins à conserver ses fonctions de président des enquêtes. (Brives-Cazes, Le Parlement de Bordeaux et la Cour des Commissaires de 1549, pp. 176 et 202.)
  3. Hiérosme Lopès, L’église métropolitaine et primatiale Saint-André de Bourdeaux. Réédition de l’abbé Callen, t. II, p. 337.