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vERs FRANQOIS 261

120 Car toufiours croiit auec le temps la peine.
Las, mais pourquoy moymefme ie me blafme?
Fors de t’aimer, quelle faute ay-ie fait?
Eit-ce grand cas qu’vn foible fans diffame
Par les assaults de l'amour foit deffait?
125 Donc par rampars dois-ie garder mon ame
D’auoir plaifir d’vn langage parfait,
D’vne beauté, d’vne façon guerriere?
Malheureux l’œil qui fuit à la lumiere.
C’eitoit mon fort, & puis i’y fus menee
130 Par les propos de gents dignes de foy,
Qui me peignoient vne ioye ordonnee,
Qu’en bien aimant receuoir ie deuoy.
Si fainte eftoit la promeffe donnee,
Si par Merlin trompee ie me voy,
135 De ce Merlin ie me peus doncques plaindre;
D’aimer Roger ie ne me peus reitraindre.
Donc ie me plains de Merlin & Meliffe,
Et me plaindray d’eu1x eternellementg
Par leurs efprits ils feirent que ie veiffe ·
140 Vn fruiét du grain que i’all0is lors femant :
C’eitoit à lin qu’en prifon ie me meiffe
Soubs ceit efpoir; ie ne fçay pas comment,
Ne qu’ils penfoient, fors qu’ils portoient enuie
Au doux repos & feurté de ma vie.
145 Ainsi son deuil tant serree la tient,
Que nul confort ne trouue en elle place :
Mais puis l'espoir maugré le deuil reuient, .
Et dans le cœur par le milieu luy passe.
Deuant ses yeux touflours Roger luy vient :
150 Ell’ croit toufiours qu’encore il satisface;