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LETTRE DE coNsoLAT1oN 193 qui a deuil le meine luy mefme chez foy. Mais apres, quand il y a vne fois gaigné place auec le temps, viuant & logeant auec celuy qui l’a receu, il ne Ben 35 va pas encores lors qu’on luy donne congé. Donc il le faut combatre des Pentree, à la `porte, & non pas luy quitter le fort, en laifïant fon habillement &fon poil, & par tous autres pareils moyens & toutes autres façons, qui, fe prefentans à toute heure deuant les yeux 40 & attrittans la perfonne, tiennent en ferre & dimi- nuent la vigueur de l’efprit, & le mettent en defefpoir de trouuer iffue du mal, & le rendent incapable de confolation, tout obfcur & tenebreux; de tant que Pentendement, depuis qu’il Deft par la douleur 45 entourné & enueloppé de ces triites habits, il ne fe fait aucune part ny du rire en compaignie, ny de la lumiere, ny de la bonne chere, & de la plaifante & ioyeufe table de fes amis. A ce mal de la trifteiïe «[Les] fe ioint volontiers la nonchallance de fa perfonne, & Bligiiîlyug 50 vn defpit contre la coutumiere façon, iufques à ne fe mem"' vouloir ny eftuuer: là où il falloit que Pefprit lift tout au contraire pour fe fecourir &ayder, par le moyen du corps fain & vigoureux. Car certes, quand le corps eft fain & en fa gaillardife, vne grand’partie de l’ennuy 55 ûabbat & fe relafche, comme le flot à vn beau iour quand le temps eit calme; mais fion laiiïe le corps . rouiller & durcir par le mal gouuerner, & qu’il n’en- · uoye plus rien de bon ny de gracieux à l’ame, ains feulement comme des ameres & fafcheufes fumees, 60 certes à grand’peine fe peult on rauoir, encores qu’on le vueille, fi grandes font les patïions qui faifilïent l’ame `ainti malmenee. — as