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la femme ſe pourchaſſe vne amitié de ſon mary toute ſienne & particuliere en ſon endroict, mais qu’elle ne tire pas à ſoy & ne diminue en rien la bonne volonté qu’il portoit à ſa mere.

XXXVIII. Les meres aymer les garçons & les peres les filles, & pourquoy. Il ſemble que les meres ayment plus les fils, pour ce 5 qu’ils ont pouuoir de les ſecourir, & les peres ayment plus les filles pour ce qu’elles ont plus beſoing de leur aide ; poſſible auſſi que pour faire honneur l’vn à l’autre, chacun d’eux veut donner à entendre qu’il ayme plus & cherit ce qui eſt pareil & conforme à 10 l’autre ; toutefois que ceci ſe pourroit prendre autrement. Mais certes cela eſt honneſte & bien ſeant, que la femme ſe monſtre aucunement tenir le party des parents de ſon mary, & leur faire honneur plus qu’aux ſiens propres ; voire ſ’il luy ſuruient quelque 15 faſcherie, de ſ’en deſcouurir aux parents de ſon mary, « [M]oyen pour [eſ]tre ayme ». & la tenir ſecrette aux ſiens. Car qui veut qu’vn autre ſe fie de ſoy, il n’y a meilleur moyen que de monſtrer qu’il ſe fie de luy ; & pour eſtre aymé, il ne fault qu’aymer. 20

Aux Grecs qui eſtoient auecques Cyre, l’aduertiſſement que leur donnerent leurs Capitaines, ce fut : Bel aduertiſſement. Si les ennemis les chargeoient en criant, qu’ils les receuſſent ſans mot dire ; & ſ’ils les aſſailloient ſans « [Tr]es beau ad[u]ertiſſemant [p]our les fa[m]es ». crier, qu’en criant ils les repouſaſſent : Et les femmes 25 d’entendement, quand les maris tancent & crient, eſtans en cholere, elles demeurent en paix ſans dire mot ; & quand ils ſe taiſent, elles, deuiſant à eux & appaiſant leurs courages, les adouciffent.

XL. A bon droict Euripide blame ceux qui employent 30 la harpe aux feſtins & banquets : car il euſt mieulx